Leïla a trois enfants avec Fabien. Ils ont 8 ans, 6 ans et 5 mois. Fabien est violent psychologiquement et physiquement Il passe beaucoup de temps avec les enfants et s’en occupe quotidiennement. La sœur de Leïla trouve que Fabien est vraiment un très bon papa.

pere4La violence exercée contre une mère ne concerne pas nécessairement ses enfants

Faux. Il est possible d’affirmer, aujourd’hui, que la violence conjugale a des conséquences dramatiques pour les enfants. D’ailleurs, on ne parle plus d’enfants témoins, mais d’enfants victimes, même s’ils ne sont pas eux-mêmes les destinataires directs des actes violents.

Les enfants se construisent dans le lien d’attachement à leurs deux parents. Voir l’un des deux mettre en péril la sécurité et la santé de l’autre contribue à construire un environnement insécure et anxiogène pour l’enfant. Cela peut avoir des conséquences lourdes sur son développement, ses apprentissages, sa capacité à se socialiser.

Certains enfants présentent les mêmes troubles de stress post-traumatiques que les femmes : insomnies, cauchemars, reviviscences,  troubles alimentaires, phobies, troubles du comportement…

De plus, les parents sont les premiers modèles des enfants. Ceux-ci s’inspirent largement des comportements parentaux pour se construire.

Fabien s’arrange toujours pour « régler ses comptes » avec Leïla quand les enfants sont couchés. Ils ne s’aperçoivent de rien !

Faux. Dans la violence conjugale, l’ensemble de la famille vit sous la terreur des passages à l’acte de l’auteur. La femme victime des violences va adopter, pour sa sécurité, des actes d’évitement pour canaliser les passages à l’acte de son conjoint. Cela se répercute évidemment sur sa parentalité.

Un nombre important de crises trouvent leur origine dans des désaccords liés aux enfants : « Ils font trop de bruit ! », « Pourquoi ils ne sont pas encore couchés ? », « La maîtresse m’a interpellé parce qu’il perturbe la classe »… Les enfants ont conscience que leur attitude va mettre en danger leur mère qui dépense son énergie à apaiser l’agresseur.

Ils sentent la montée de la tension et la terreur de leur mère même si l’agression physique n’a pas lieu sous leurs yeux. Les parents pensent souvent que les enfants dorment pendant ce temps. Ce n’est pas vrai. Les enfants guettent et écoutent terrorisés dans leur chambre en se demandant ce qu’ils devraient faire.

Il suffit de leur dire que cela ne les concerne pas.

Faux. C’est leur demander de faire quelque chose d’impossible et c’est nier leur besoin de sécurité. Si vous assistez à une agression vitale sur l’un de vos parents, vous ne pouvez pas vous concentrer sur votre travail, vos loisirs. Il en va de même pour les enfants qui sont, en plus, dans une dépendance totale vis-à-vis de la victime et de l’auteur.

Certains enfants vont se sentir obligés d’intervenir, de protéger leur mère. D’autres, par stratégie de survie, vont « coller » au discours de l’agresseur sentant leur mère dans l’impossibilité de les protéger.

Par ailleurs, les corrélations entre violences conjugales et maltraitance directe sont très fortes. Même si, au début, l’enfant n’est pas directement visé, la durée des violences et leur aggravation vont constituer un risque considérable pour sa sécurité directe.

D’accord, les violences physiques sont dangereuses, mais les violences psychologiques, ce n’est pas pareil.

Faux. Dans la sphère privée, les violences psychologiques gangrènent l’ensemble des rapports familiaux. Les enfants ne peuvent pas s’en protéger. Ils n’ont pas la possibilité de « prendre du recul » pour penser la manipulation ou le dénigrement.

Par exemple, si l’auteur répète inlassablement à sa compagne qu’elle ne sert à rien, qu’elle est incompétente dans son travail et dans sa parentalité, comment imaginer que cela n’impacte pas les enfants dans leurs représentations et dans leur rapport à l’autorité de la mère ?

Nombre de femmes se disent dépassées par des enfants qui les insultent, refusent de leur obéir, utilisent la violence du père comme levier pour obtenir ce qu’ils veulent, exécutent des tâches confiées par l’auteur (la surveiller, par exemple).

Une fois qu’elle a quitté le domicile, les enfants pourront avoir des relations apaisées avec leur père ?

Vrai et faux. La fin de la vie commune peut apaiser la situation pour les enfants qui sentent leur mère en sécurité.

Cependant, tout dépendra de la manière dont l’auteur sera en mesure de « lâcher » sa victime ou pas. Beaucoup d’auteurs, après la séparation, ne supportant pas de voir la femme leur échapper, utilisent les enfants comme le vecteur des violences : demande de garde alternée alors qu’ils n’ont jamais été impliqués dans l’éducation au préalable, dénigrement de la mère, appauvrissement des mères par le non-paiement des pensions alimentaires,  mise en échec des droits de visite, non-présentation des enfants, agression des mères au moment de la remise des enfants, procédures familiales répétées et injustifiées, enlèvement, homicide…

Mais alors, quand les enfants ont vécu tout cela, on ne peut plus rien faire ?

Faux. Les enfants sont en construction. Il est possible de les aider en mettant en place un accompagnement et un soutien psychologique personnalisés le plus rapidement possible.

Pour les protéger, il faut défendre leur maman et l’aider à se restaurer dans sa vie de femme, dans son rôle de mère. Travailler sur la parentalité fait partie de notre rôle.  Certains enfants reproduiront dans leur vie d’adulte des schémas d’auteur ou de victime, mais cela n’est pas une fatalité. D’autres développeront, à l’opposé, une intolérance à la violence et deviendront des adultes résilients et des parents protecteurs.