La femme battue viendrait d’un autre pays… Les femmes migrantes seraient-elles plus souvent victimes de violences conjugales ? Les toléreraient-elles plus facilement ?

femmes_im2Fairouz est marocaine, mariée depuis 2 ans à un Français. Son mari a fait le nécessaire pour qu’elle l’y rejoigne. Fairouz avait un bon travail dans son pays. Depuis 6 mois, son époux l’empêche de sortir du domicile et lui inflige des violences psychologiques et sexuelles.

Alors que sa famille au Maroc l’invite à revenir, les autres femmes qu’elle connaît en France lui disent qu’elle doit respecter son mari et lui obéir.

Dans certaines cultures, les femmes sont battues et cela ne les traumatise pas…

FAUX : Les violences affectent les femmes, quelles que soient leur origine, leur couleur, leur culture. Les violences ont des conséquences sur la qualité de leur vie, leur santé, leur estime d’elles-mêmes.

Or, le droit à la santé, au respect et à la sécurité fait partie des droits universels.

D’accord, mais on voit bien que pour certaines femmes, la violence semble normale !

VRAI et FAUX : La violence conjugale est un phénomène universel. Tous les pays sont touchés, mais tous les pays n’ont pas mis en place des politiques de lutte contre ces violences.

Alors que les politiques internationales incitent les pays à lutter contre ce fléau, tous ne se sont pas, pour le moment, dotés d’outils efficaces. L’absence de mobilisation de certains États peut entretenir l’idée, auprès des populations –  femmes et hommes – que ce phénomène est normal et irrésistible.

Cependant, lorsque ces mêmes États agissent (prévention, centre d’hébergement, arsenal juridique, lieux d’écoute et d’accueil…), le regard social change sur les violences qui peuvent basculer du côté de l’inacceptable.

À titre d’exemple, notre Code civil de 1804, qui est toujours en application, prévoyait dans sa forme d’origine les dispositions suivantes : « La femme et ses entrailles sont la propriété de l’homme » ou bien « Les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux. ».

À l’époque, il n’était pas question de parler de violences conjugales dans les foyers. Les hommes étaient tout-puissants chez eux et personne ne songeait à remettre cela en cause.  Depuis, heureusement, du chemin a été parcouru.

Ce n’est qu’en 2000, sous la pression internationale, que la France effectua sa première enquête de recensement des violences conjugales, étude qui révéla l’ampleur du phénomène. Au fur et à mesure des années, le législateur et les politiques publiques évolueront. Les mentalités aussi.

Enfin, un certain nombre de femmes ayant subi des maltraitances conjugales peuvent les considérer comme « normales » : elles sont parfois tentées de justifier ainsi leur vécu ou celui de leurs filles. La violence est alors légitimée par les proches de la victime, ce qui l’enferme davantage. Il faut alors beaucoup de courage pour rompre ce cercle vicieux en affirmant « ce que j’ai vécu est une violence, cela doit s’arrêter ».

Donc finalement, la violence conjugale en France, c’est surtout le problème des étrangères ?

FAUX : Évidemment, les violences conjugales sont plus importantes dans certaines régions du monde, du fait de l’absence de politiques publiques. Pour autant, bien que la France ait commencé à se doter d’outils, la problématique touche une Française sur dix.

Ces femmes sont issues de tous les milieux et sont de toutes les origines.

Le système de domination des hommes sur les femmes reste ancré dans notre culture française et les inégalités, terreau des violences, sont toujours actives (inégalités salariales, répartition des tâches, représentation nationale, etc.)

De nombreuses femmes françaises, en couple avec des hommes français, sont tout aussi victimes que les femmes migrantes : violences physiques, psychologiques, sexuelles, économiques…

Nous rencontrons également des femmes étrangères, comme Fairouz, qui ont quitté des situations professionnelles et personnelles satisfaisantes dans leur pays d’origine dans l’espoir d’une vie encore plus heureuse en France et qui découvrent l’enfermement sur notre territoire.

Mais n’y aurait-il pas une spécificité des violences contre les femmes étrangères ?

FAUX : La seule spécificité est la difficulté qu’ont ces femmes à faire valoir leurs droits, surtout, si elles sont en situation irrégulière.

Leur maintien sur le territoire et l’accès aux documents administratifs sont un moyen de pression extrêmement puissant que les conjoints violents exercent sur ces femmes. La méconnaissance de leurs droits peut être amplifiée par la barrière de la langue, parfois l’analphabétisme ou l’illettrisme, l’absence de revenus, l’isolement.

Il ne faut pas oublier qu’une partie de la population migrante en France fuit des situations insoutenables dans les pays d’origine. Ces femmes ont pu donc connaître de nombreux traumatismes antérieurs et massifs (guerre, mutilation sexuelle, mariage forcé, exil…) qui non seulement leur font craindre un renvoi au pays, mais peuvent également avoir un effet sur la minimisation du vécu traumatisant des violences conjugales.

De plus en plus, notre arsenal juridique tente d’apporter des solutions à ces femmes, notamment en leur permettant l’accès aux documents administratifs lorsque des violences sont avérées.

Les hommes ne seraient-ils pas plus violents dans certaines régions du monde ?

VRAI et FAUX : Là encore, l’environnement joue. Plus la société dans laquelle ils évoluent condamne ces faits, plus ils vont devoir s’adapter. En effet, quand la tolérance est à son maximum, la violence conjugale peut librement sortir de la sphère privée pour envahir l’espace public (passage à l’acte devant des témoins). Les types de violences se cumulent alors et la réponse pénale est inexistante. La victime se retrouve sans recours et l’auteur sans freins.

Plus la répression de ces violences est forte, plus l’auteur va devoir dissimuler ses passages à l’acte par peur des sanctions.

Or, les auteurs de violence ne sont pas insensibles à la répression pénale. La plupart la perçoivent parfaitement et, tout en la trouvant certainement illégitime, adaptent leurs comportements. C’est ainsi qu’une réponse pénale efficace engendrera très souvent une modification du comportement, notamment en abandonnant les violences physiques au profit d’un registre psychologique plus difficile à appréhender par les acteurs institutionnels.

Cette observation montre bien que l’interdit est la plupart du temps parfaitement perçu par l’auteur de violence et que ce dernier n’agit pas par pulsion, mais parce qu’il s’y sent autorisé… ou pas.

Les femmes étrangères sont tellement passives…

FAUX : L’éducation des filles de par le monde, y compris en France, a effectivement tendance à inciter les femmes à la passivité. On les invite à sourire, être gentilles et jolies. Le modèle patriarcal va favoriser la prise de contrôle des hommes et l’acceptation des femmes.

Cette convention n’aide évidemment pas les femmes à exiger le respect auquel elles ont droit. Pourtant, partout, à l’étranger comme sur notre territoire, des femmes s’organisent et souhaitent l’égalité.

Les femmes migrantes, à qui nous expliquons que ces violences ne sont pas une fatalité et à qui nous donnons des moyens effectifs de s’en sortir, se battent sur tous les fronts pour accéder à cette liberté tant espérée.